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Origine et évolution de la chaux dans la construction

Quand on parle d’Histoire et de chaux, la première chose nous venant à l’esprit est son utilisation en maçonnerie dans la Rome Impériale, mais son usage est bien plus ancien et plus diversifié.

Comme souvent avec les technologies datant du passage de chasseur cueilleur à sédentaire, il est très difficile, et sans doute impossible de savoir s’il s’agit d’une découverte unique qui se serait ensuite propagée avec l’avancée de la sédentarisation, ou s’il s’agit d’une poly-découverte avec trois principaux foyers : le Moyen orient, la Chine et en Mésoamérique. La découverte de la chaux est attribuée par les archéologues à la technique de cuisson d’aliments par des pierres chauffées dans les braises.

Les premières utilisations de la chaux

La plus ancienne utilisation attestée de chaux par l’homme a été découverte dans le désert du Sinaï ≈16000 Av. J-C, la chaux aurait servi d’adhésif à des pierres taillées, pour sertir des sagaies (lances). L’utilisation de chaux est ensuite attestée en mortier comme ornement funéraire en Israël ≈12000 Av. J-C. Le premier vestige de four à chaux découvert dans la même région est daté de 10400 Av. J-C. et le premier mortier attesté contenant des matériaux hydrauliques de 8600 Av. J-C. De ce foyer, la chaux suivra la voie de la néolithisation : à l’est vers la Mésopotamie, jusqu’à la vallée de l’Indus, à l’ouest vers l’Égypte, où des mortiers sont retrouvés dans les pyramides de Gizeh, dans le monde hellénistique via la civilisation minoenne.

Les colonies grecques finiront de disperser cette connaissance vers la zone pontique, la péninsule italique, et leurs colonies en Méditerranée, Massalia…). Les gaulois ont aussi utilisé la chaux avant la conquête romaine, notamment sur des céramiques ou comme teinture pour les cheveux.

De l’Empire romain à la Révolution industrielle

C’est avec l’essor de la Rome Impériale que la chaux est massivement utilisée dans la construction, notamment associée à la brique. Son usage est décrit par les auteurs, Pline l’ancien dans « Naturalis Historia », et surtout par Vitruve, dans « De Architectura ». Il décrit la production de chaux, notamment dans le chapitre 5 du livre II, et l’utilisation de cendre volcanique du Vésuve de la région de Pouzzoles pour augmenter la dureté des fondations immergées des jetées de ports. La villa gallo-romaine de Vesuna du Ier siècle (située à Périgueux) a utilisé pour sa construction le même banc calcaire de chaux hydraulique que celui de Saint-Astier®.

Jusqu’aux prémices de la révolution industrielle, la production de chaux reste cantonnée à des fours intermittents vernaculaires ou bâtie aux pieds des grands édifices en construction. Les chaux plus ou moins hydrauliques ou aériennes sont alors qualifiées de maigres ou grasses, sans bien comprendre ce qui les différencie.

Nouvelles découvertes sur les propriétés de la chaux

Ce n’est qu’avec l’essor de la technologie que la chaux va se spécialiser. Les besoins de production d’acier et de la chimie vont amener à rechercher les gisements ayant un taux de calcaire le plus élevé possible. Les besoins d’infrastructures et de constructions amènent à rechercher les propriétés hydrauliques des chaux. De nombreux travaux sont alors entamés en France et en Angleterre, particulièrement avec Parker et Smeaton, pour comprendre ce qui confère à une chaux ses propriétés hydrauliques. Mais c’est le français Louis Vicat qui va apporter la solution au problème. Il réalise une des premières études scientifiques modernes en parcourant le tour de France et en visitant tous les producteurs de chaux, qu’elles soient aériennes ou hydrauliques (il passera d’ailleurs à Saint-Astier). Il met en exergue que plus un calcaire contient « d’argile », plus il développera des propriétés hydrauliques après cuisson.

Cette découverte ouvre la porte à la fabrication de produits toujours plus hydrauliques allant jusqu’au ciment dit moderne.

Une erreur, communément faite, prévoirait l’apparition des chaux hydrauliques à cette même époque, alors qu’il s’agit seulement du moment où les chaux hydrauliques et les chaux aériennes ont été différenciées et caractérisées en fonction de la minéralogie du calcaire.

Normalisation des chaux et conservation du Patrimoine

Avec l’industrialisation, les fours vernaculaires sont de plus en plus désaffectés. Seules les productions de qualité dites « déterminées » et constantes de « mono usage » utilisées pour la sidérurgie, la chimie…  subsisteront. Ces produits ont une forte teneur en hydroxyde. Quant au bâtiment et génie civil, les produits les plus hydrauliques continuent à être utilisés.

Les besoins de  construction massifs et rapides du XXème siècle, associés à une perte progressive des techniques et du savoir-faire traditionnel augmenteront le besoin de ciment au détriment de la chaux hydraulique. Ce déclin progressif ne sera stoppé que par la prise de conscience de la dégradation du patrimoine bâti. La création de services d’Etat comme les Bâtiments de France et autres organismes de conservation redéfiniront les bonnes qualités d’usage pour réinstaller la chaux et ses solutions dans la conservation du Patrimoine Bâti.

Le choc pétrolier de 1973 – entrainant la fermeture progressive d’industrie énergivore telle que la sidérurgie – va réduire les débouchés de la chaux calcique, amenant alors à chercher de nouvelles utilisations dans le bâtiment.

Les CAEB sont alors créées (chaux aériennes éteinte pour le bâtiment). Elles viennent concurrencer les chaux hydrauliques de type XHN alors en place. Les cimentiers de l’époque, pour déstocker des ciments de faible qualité, mélangent ces derniers à un filaire calcaire vendu comme chaux hydrauliques artificielles XHA ; ces dernières ne répondant pas à la même exigence de qualité que les XHN provoquent des confusions chez les utilisateurs.

En 1995, les chaux de construction passent sous normalisation européenne, les CAEB deviennent CL ou DL, les chaux hydrauliques naturelles XHN sont renommées NHL, les XHA deviennent les ciments à maçonner CM. Les ciments à maçonner CM ne contiennent pas de chaux. Une chaux CL ou NHL mélangée à un ciment, colorant ou à un autre composant devient HL. En 2012, la norme des chaux de construction introduit une nouvelle catégorie de chaux dite formulée FL. Il s’agit d’une chaux hydraulique HL dont la formulation est déclarée dans le cartouche CE du produit.